LE DEVELOPPEMENT DES
FRONTS PIONNIERS AMAZONIENS
ET LEURS CONSEQUENCES
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Introduction

Le développement Amazonien et son impact sur la population
  + Les prémices du développement Amazonien
  + L’Amazonie : un retard à combler
  + La question sociale en Amazonie

Le fait urbain dans les fronts pionniers amazoniens
  + Des rapports ville-campagne inscrits dans l'histoire du Brésil
  + L’urbanisation dans les fronts pionniers
L'exemple d'Uruarà (Parà)
  + Le développement urbain d'Uruarà, une concentration locale et urbaine des enjeux nationaux de la colonisation.
  + Un espace modifié dans ses fondements
Conclusion

L'exemple d'Uruarà (Parà)


(source : thèse de N. Hostiou)

Le municipe d'Uruarà, situé dans l'état du Parà, est un bon exemple de l'urbanisation dans les fronts pionniers amazoniens. Bien que son étendue soit hors normes, et que se modalités d'occupation lui soient spécifiques, ses fronts pionniers en arrête de poisson autour de la transamazonienne sur laquelle est situé le centre urbain orthogonal, et ses chemins vicinaux (travessões) tous les 5km, qui est la structure la plus courante, ainsi que son évolution, sont significatives.


La transamazonienne aux alentours d'Uruarà.
Si cette route est le seul vecteur de communication pour les habitants d'Uruarà, il n'est pour autant d'aucune utilité stratégique pour le gouvernement, puisqu'il ne relie aucune région économique importante. La « route » si on peut l'appeler ainsi, est donc particulièrement délaissée. Elle est difficilement praticable l'été, et pas du tout l'hiver. Peu de travaux de maintenance sont effectués. Ne reliant que « la pauvreté du Nordeste à la misère de l'Amazonie » (DROULERS M., 2004), c'est néanmoins le seul lien de la population avec le reste du pays et le seul vecteur possible d'échanges, notamment économiques (source de l'image : routard.com)

+ a. Le développement urbain d'Uruarà, une concentration locale et urbaine des enjeux nationaux de la colonisation.

Comme nous n'avons vu précédemment, le premier aménagement réalisé lors de la colonisation d'un espace amazonien sont les infrastructures routières. Il s'avère ensuite que le système entier s'appuie sur celles-ci, tant pour la répartition des cultures que pour l'organisation simpliste des formes urbaines (il est facile de les lire sur une photo aérienne). À Uruarà, le chef lieu lui même, c'est à dire la ville-centre, se situe sur cette axe routier, en l'occurrence la transamazonienne. C'est l'emplacement qu'a choisi l'INCRA pour son implantation. Ce devait être à l'époque une agrovila, le système urbain de plus bas niveau. Lorsque l'état s'est retiré progressivement du programme au début des années 70, les colons ont pris les commandes du développement, et cette entité urbaine qui n'est pas encore un municipe a commencé à gagner en population. Les infrastructures, peu développées par l'état, ont été à la charge des habitants, qui se sont réunis pour construire un bâtiment faisant office d'église le dimanche et d'école la semaine. Autour de cette structure sociale vont se développer d'autres structures.


Le centre ville et ses commerces (à gauche, source : Google Earth) et la périphérie (à droite, source : confins.revues.org ) d'Uruarà aujourd'hui.

L'absence de foncier disponible sur la région va enrichir certains fermiers, qui, par leur pouvoir d'achat, vont attirer de nouvelles activités, notamment des commerces (souvent des TPE), parmi lesquels l'essence, et des structures d'exportation pour le poivre et le cacao. Les marchands vont racheter des terres, ou développer d'autres activités primaires et faciles à développer dans la région, comme le bois.

En 1985, Uruarà devient un district de la commune de Prainha, puis un municipe indépendant en 1987 suite à un référendum. Au delà du simple changement de statut administratif, c'est au cours de cette période qu'Uruarà s'urbanise véritablement.

Accroissement du nombre d'habitants durant cette période :


Les services se multiplient sous forme de TPE, mais les besoins essentiels de la population ne sont pas satisfaits tout de suite. L'hôpital et l'école manquent de moyens, et l'électricité n'arrivera que partiellement (16 heures par jour) dans les années 1990. La vie de la population n'est donc pas facile.

En 1988, la crise du poivre et du cacao touche particulièrement Uruarà, qui connait alors un bouleversement similaire à celui des autres zones à dominante agricole concernées. Cette baisse des cours des deux principales richesses d'exportation s'inscrit dans un contexte national lui aussi difficile. Il n'est donc plus possible de partir s'installer autre part pour recommencer à cultiver, et les migrations se sont donc modifiées, s'effectuant dorénavant des campagnes proches vers la ville. Cependant, la ville elle même est touchée, puisque sa croissance des périodes précédente était basée sur ces exportations et sur le système d'activités engendrées. Toutefois, les scieries et le récent municipe continuent de fournir des emplois. De plus, la crise ne frappe pas tout de suite, et la venue en ville est dans un premier temps plus associée à une recherche de confort qu'à une réelle urgente nécessité. Elle peut être également lié à l'instauration par l'état brésilien d'une retraite pour les agriculteurs.

+ b. Un espace modifié dans ses fondements

Uruarà était depuis sa création un lieu d'immigration principalement, au sein duquel les agriculteurs migrants venaient cultiver la terre, et les migrants urbains y faire du commerce. Hors, il s'avère que la plupart des migrations de cette époque ne sont pas forcément liées à la crise. Le phénomène est donc plus profond, et marque une véritable rupture dans les représentations populaires. C'est la chute du mythe de l'agriculteur dont il a été question précédemment. Il convient alors d'interroger la population sur les choix qui l'ont poussé à partir afin de se rendre compte de l'ampleur du changement. La question «Qu’est-ce qui assurera le mieux l’avenir de vos enfants ?» a été posée aux chefs de familles d'Uruarà en 1986, puis 1994.. Si 72% d'entre eux répondait « la terre » avant la crise, il ne sont plus que 31% en 1994. 52% d'entre eux pensent alors que c'est « l'éducation », c'est à dire la ville. Les enfants sont alors de plus en plus scolarisés en ville, et rejettent la vie d'agriculteur lors de leur retour dans l'exploitation familiale.

Le modèle familial était un des piliers de la colonisation de l'Amazonie. La sélection des migrants se faisait sur la situation de leur famille et de son aptitude à travailler la terre par la force de travail qu'elle représentait. Les lots de colonisation qui leur étaient réservés étaient eux aussi bâtis à l'échelle de la famille. Avec le nouveau système de migrations, le modèle s'éclate. On retrouve alors 4 modèles de familles (thèse de Granchamp) :

  • Bipolarité complète : La famille a deux lieux habituels de résidence et deux lieux habituels d’activité. C’est ce type de famille qui a posé des problèmes de double compte lors de l’enquête.
  • Famille multipolaire : la « famille en réseau ». Il s’agit là de familles composées de plusieurs cellules, au sein desquelles il existe une intense circulation des personnes, de biens et de services, et dont au moins une cellule réside en ville.
  • Résidence urbaine et bipolarité de l’activité : Cette catégorie peut être subdivisée en 2 sous-types selon que l’activité principale est agricole ou urbaine.
  • Monopolarité complète : La famille concentre sa résidence et son activité, soit à la ville, soit à la campagne. Cette monopolarité est souvent transitoire : la famille peut résider en milieu rural ou urbain, au gré des opportunités d’emploi, et devient multipolaire lorsque les enfants ont besoin d’étudier en ville.

Le modèle familial, même modifié, reste une réalité. Il est encore la base du système social brésilien, mais il faut noter à quel point il accélère les migrations et les échanges ville-campagne, à tel point que cette distinction encore lisible sur le territoire, l'est beaucoup moins au regard de la population qu'il abrite. Il se pose alors la question du caractère urbain ou rural de ces ensembles plus ou moins cohérents.

Sur ce sujet, deux points de vue s'opposent. La forte proportion rurale de la population du centre d'Uruarà, associé au manque d'infrastructures, ne permettent pas, pour Jean Hebette de le considérer comme une ville. Pour Philippe Hamelin, au contraire, le fait qu'elle soit perçue ainsi par ses habitants, et que c'est à ce titre que des agriculteurs y installent leur famille fait de facto des villes de ces espaces.