LE DEVELOPPEMENT DES
FRONTS PIONNIERS AMAZONIENS
ET LEURS CONSEQUENCES
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Introduction

Le développement Amazonien et son impact sur la population
  + Les prémices du développement Amazonien
  + L’Amazonie : un retard à combler
  + La question sociale en Amazonie

Le fait urbain dans les fronts pionniers amazoniens
  + Des rapports ville-campagne inscrits dans l'histoire du Brésil
  + L’urbanisation dans les fronts pionniers
L'exemple d'Uruarà (Parà)
  + Le développement urbain d'Uruarà, une concentration locale et urbaine des enjeux nationaux de la colonisation.
  + Un espace modifié dans ses fondements
Conclusion

1. Le développement Amazonien et son impact sur la population

+ Les prémices du développement Amazonien

Nous ne parlerons dans cette partie du boom du caoutchouc, malgré le rôle important que cela a représenté pour l’Amazonie. Le choix est d’orienter l’analyse sur les grandes politiques d’aménagement et d’intégration nationale qui ne sont mises en place que dans la deuxième partie du XXème siècle.

Les projets de développements du Brésil sont nombreux dès les années 30, même si, au départ, les avancées sont lentes. En effet, le Brésil subit aussi les effets de la grande crise. C’est à partir des années 1950 que les politiques de modernisation commencent à produire leurs effets. Le Brésil des années 50 et 60 est un Brésil heureux (Claval P., 2004). La dictature militaire qui s’ensuit, datant de 1964, est particulièrement dure de 1968 à 1974. Mais cette période de répression est aussi celle du miracle économique : les taux de croissances dépassent les 5% annuels. La population urbaine l’emporte sur la population rurale pour la première fois. C’est à ce moment que le Brésil devient une grande puissance internationale. Les militaires au pouvoir s’attachent à compléter les grandes infrastructures du pays, à moderniser ses équipements et à ouvrir à l’activité brésilienne de nouveaux champs. Si ces politiques semblent exclusives, la mise en valeur des milieux encore peu peuplés n’est cependant pas oubliée. Les militaires s’intéressent beaucoup à une région en particulier, le dernier grand vide de l’espace national brésilien : l’Amazonie. L’heure est à intégrer l’Amazonie dans le système productif.

+ L’Amazonie : un retard à combler

L’objectif des Militaires est de faire rentrer l’Amazonie dans l’économie du Brésil. Ils vont donc devoir aménager cette région déserte. L’Amazonie est restée jusqu’ici sans grands aménagements puisque la région était soumise à la division des pouvoirs entre le niveau fédéral et les Etats. C’est cette division qui à longtemps limitée l’intervention publique. La pénétration de l’Amazonie s’était jusqu’alors appuyée sur son réseau fluvial. Mais pour desservir les interfluves qui restent isolés, il faut créer des voies de communication terrestres.


Source : CLAVAL P. 2004 p197

Sur la carte on peut apercevoir la stratégie mise en place pour développer les infrastructures routières. Les voies fluviales ne sont pas à négliger, elles permettent une desserte importante de l’Amazonie, reliant les régions entre elles (le Tocantins assurent la jonction avec le Centre-Ouest par exemple). Ainsi, elles sont des supports importants, structurant de façon naturelle le territoire. Mais ces voies fluviales ouvrent surtout les zones de foret inondables. Il s’agit donc de compléter la structuration du territoire par des routes, en partant de celles existantes. La construction de routes devient possible dans les années 1950 et la modernisation des moyens techniques : les bulldozers ouvrent rapidement des percées dans la forêt. Cependant, certaines difficultés persistent, notamment le franchissement des interfluves, beaucoup trop couteux. Le choix est donc fait de longer les interfluves (exemple de la future route reliant Pôrto-Velho à Manaus). Malgré ces voies ouvertes, on remarque que seuls on nombre restreint de routes sont prévues, en effet les matériaux indispensables pour empierrer les chaussées et les rendre résistantes manquent.

Le résultat de l’aménagement de ces infrastructures est à l’heure actuelle mitigé : si les voies ne sont pas empierrées, asphaltées et régulièrement entretenues, les voies ouvertes se détériorent vite et leurs emprises sont étouffées par la forêt. Ainsi, presque 50 ans après le début des travaux, seules deux voies sont revêtues de bout en bout : celles de Brasilia à Belème ainsi que celle de Brasilia à Rio Branco. De plus, l’impact escompté reste limité : ces voies ont principalement servies à la déforestation et au peuplement.

Les relevés géologiques et la prospection minière de près de la moitié de l’espace Brésilien restaient à faire au début des années 80. Ces relevés permettant l’exploitation sont, en Amazonie, quasi impossible à maintenir, à cause de la végétation. La encore, les progrès technologiques vont être une avancée importante pour l’Amazonie. En particulier les radars qui permettent de percer la couverture végétale.

Ce que révèlent ces nouvelles techniques est capitale : l’Est de l’Amazonie présente de fortes réserves en minerai de fer d’excellente qualité et facile à exploiter. C’est en 1967 que commence l’exploitation de ces réserves, si riches que la compagnie qui exploite construit une voie ferrée jusqu’au port d’Itaqui (1986). Non loin de ces carrières est découvert l’or de la Serra Pelada, qui va aussi attirer une masse de population importante (des dizaines de milliers de démunis). En complément de ces ressources particulières sont repérées d’autres ressources à la fin des années 1970 : le gaz naturel et le pétrole du Haut Amazone.

Mais ces ressources ne permettent pas à l’Amazonie de devenir un élément intégrant de l’économie Brésilienne : l’Amazonie reste pauvre. Et les populations ont du mal à trouver un emploi. Le Brésil prend alors des initiatives telles que la création de la zone franche à Manaus, permettant la création de nombreux emplois. Mais l’exemple reste rare et Manaus est l’un des seuls Oasis de prospérité actuel de l’Amazonie.

Les plans de mise en valeur de l’Amazonie se basent beaucoup sur les ressources forestière et agricole. Mais la tâche n’est pas aussi simple qu’elle y parait. Le bois apparait comme difficile à exploiter aux et la déforestation devient justifiée par le défrichement. Ce dernier entraine la création de clairières sur lesquelles agriculture et élevage deviennent possible. Les surfaces sont rapidement objet de convoitise et l’on retrouve trois types d’acteurs :

  • Les Indiens présents dans la région
  • Les entrepreneurs dynamiques venus du Sud et créant de grandes fermes d’élevage ou de culture.
  • Les Nordestins et les originaires du Para qui recherchent des terrains pour mener une agriculture vivrière et élever de petits troupeaux.

Les prétendants sont donc d’origine hétérogène et leur qualification et les moyens dont ils disposent bien différents. Ainsi, les luttes foncières empoisonnent vite cet espace ou les terres apparaissent comme illimitées. Les uns s’installent sans titres, les grands exploitants en ont. Les droits des Indiens sont ignorés et encore actuellement les luttes entre ces trois acteurs sont plus que présente. Les conflits entre les sans terre, les Indiens et les colons perdurent.

Le développement du pays a été une forte volonté gouvernementale à partir des années 1930 et plus encore à partir des années 1940. Les résultats sont immenses : la population du pays passe de 30 à 119 millions entre 1930 et 1980, la population des villes de 13 à 80 millions entre 1940 et 1980. Les villes de plus de 500 000 habitants totalisent 29 millions de personnes en 1980 contre 6.5 millions en 1950. La croissance à tout prix n’a cependant pas été qu’un bien : les populations rurales se sont trouvées déracinées et jetées dans les favelas urbaines. La misère reste profonde en Amazonie et dans le Nordeste. L’échec partiel de l’Amazonie modifie les attitudes : les résultats sociaux qu’on en attendait ne sont pas au rendez vous : la lutte pour les terres n’a pas disparu, les conflits fonciers se sont multipliés. Et les atteintes faites à l’environnement perdurent...

+ La question sociale en Amazonie

L’Amazonie, territoire resté longtemps mythique et imaginaire au niveau national et international, est depuis bien longtemps l’hôte d’un peuple indien. Trésor Brésilien, les politiques brésiliennes visent dès le XXème siècle à peupler et rendre productive cette vallée fertile, comme vu ci-dessus. La volonté de peuplement de cette région du Brésil peut s’exprimer de deux manières :

  • Peupler pour satisfaire les besoins de productions brésiliens. C’est pour ces raisons que des colonies agricoles sont installées et des domaines proposés à la vente. L’exemple probant sont les deux colonies agricoles ouvertes par des familles japonaises qui furent les seules à pérenniser. Mais l’ouverture aux capitaux étrangers n’est pas libre : un frein est mis à la pénétration étrangère : des concessions pétrolières sont annulées.
  • Un peu plus tard, lorsque les militaires sont au pouvoir, le contrôle des frontières revient au premier plan car, les autres pays amazoniens effectuent des poussées dans leurs forêts et certains débordent sur le Brésil. Il devient alors urgent d’occuper le vide démographique que représente cette région sous-peuplé en en faisant une sorte de rempart contre toutes les sortes d’impérialisme qui viendraient du nord. L’Etat fédéral déploie et renforce alors sa maille institutionnelle à travers la mise en place de plusieurs grands programmes de développement régional.

Le peuplement de l’Amazonie est donc un peuplement « artificiel » dans le sens ou il est orienté dans la majeure partie du temps pour répondre à des besoins de mains d’œuvre (en vue de produire) mais aussi au vue de peupler le territoire à des fins purement géopolitiques. Les hésitations de cette politique d’occupation transparaissent à travers les nombreuses réformes bureaucratiques qui visent alternativement à favoriser les opérations capitalistes modernistes et à légitimer le statut du petit producteur indépendant opérant de façon traditionnelle.

Tous les Etats du bassin Amazonien ont joué un rôle de premier plan dans le processus général d’appropriation des terres, d’exploitation des ressources et d’installation de colons dans les zones forestières.
Par différentes périodes, des populations ont été importés du Nordeste afin de fournir de la main d’œuvre. Des l’exploitation du caoutchouc. Pour les populations agricoles, et ce dès 1940, en une dizaine d’année, 160 000 familles de paysans ont pu accéder, sous le contrôle de l’Etat, à un lot de terre en Amazonie, constituant ainsi, pour la première fois au Brésil, une expérience distributive de terres à grande échelle.
C’est cette opération qui a fait polémique, car présentée comme une contre-réforme agraire. En éloignant les petits paysans de tout système productiviste capitaliste, l’Etat livre une perception de méfiance de la petite production agricole de subsistance. Le non respect des besoins des petits paysans, et plus généralement de la population, devient un problème national, un problème en fait ancien. « … la sous-production alimentaire n’a jamais cessé, elle a une très longue histoire. Seule la côte cultivait le sucre, mais à l’intérieur, le grand propriétaire accaparait d’énormes surfaces sans les mettre en valeur … . Sous production, sous-emploi, chômage de ruraux qui se multiplient vite, tableaux de misère dans les villages. » (DUMONT R., MOTTIN M-F., 1981)
Ces propos qui ont presque trente ans sont malheureusement encore d’actualité. Les formes agraires, le développement de l’exploitation des ressources agricoles, les problèmes rencontrés par les petits paysans en Amazonie sont la base des rapports ville-campagne. Ainsi, les problèmes engendrés par ce système agricole simple se répercutent sous de nombreuses formes dans un système social et territorial plus complexe, qui se traduit par un réseau urbain dépendant et transformé.